Parlons football...

LIGUE DES CHAMPIONS

L’arbitre n’attendit même pas les trois minutes de temps supplémentaires pour siffler la mi-temps. Le générique de

la Ligue

des Champions envahit instantanément l’écran.

Tatave se releva péniblement de la position couchée qu’il avait prise sur le canapé pour regarder la première mi-temps.

Zéro à zéro.

Pour une fois qu’il pouvait voir un match du Barca, il assistait à un match sans buts.

Même pas une petite occasion à se mettre sous la dent. Pire, Drogba avait bien failli marquer sur le seul contre de Chelsea.

Tatave ne put réprimer un soupir en pensant au salaire de Thierry Henry et à tous ces milliardaires du foot qui ne sont même pas capables de pousser un ballon au fond des cages.

Il ramassa l’assiette où trainaient les miettes de pain et la couenne de jambon qui avaient constitué son repas du soir et il alla se servir une bière dans le réfrigérateur.

Il se rappela qu’il devait rester une danette au chocolat, mais il se pencha trop brusquement, réveillant son mal de dos qui le fit grimacer de douleur.

Pas étonnant de la façon dont il était vautré sur le canapé, sans même un coussin sous la tête, il se tient toujours mal quand il regarde la télé.

Il jeta un œil à la fenêtre, la pluie n’avait pas cessé et le vent s’était levé.

Pas un chat dehors.

Sur l’écran blanc, s’enchainaient les pubs pour les voitures.

Des prix incroyables à 19800 euros.

Il pensa qu’on ne vivait pas tous dans le même monde et que son dernier souci était d’acheter une caisse ou de placer son épargne. Au train où allaient les choses, il était découvert le 10 du mois et devait faire attention à la moindre de ses dépenses.

Il se dit qu’il avait le temps de consulter ses mails, mais personne ne semblait penser à lui ce soir à part Virgin qui lui vantait les avantages de la carte du magasin.

Il revint s’asseoir avec sa bière décapsulée et un verre propre.

Il avait horreur de boire à la bouteille, ça faisait alcolo, et il tenait à rester digne en toutes circonstances, même tout seul.

Il se dit qu’il se roulerait bien un p’tit pétard, et il se saisit du magazine télé qu’il utilisa comme support pendant qu’il collait les deux feuilles.

Jean Michel Larqué avait repris l’antenne, mais les deux équipes n’étaient pas encore revenues sur le terrain. Il en profitait pour commenter les deux seules actions potables de la première mi-temps, en faisant des supputations sur l’évolution du jeu en deuxième période.

Est-ce que les petits gabarits espagnols allaient trouver la faille dans la muraille humaine dressée par Chelsea ?

Ou bien le défi physique lancé par les anglais allait-il continuer à perturber le Barca et finir par être payant ?

La deuxième mi-temps allait commencer sur cette interrogation philosophique que n’auraient reniée ni Descartes ni Pascal.

L’arbitre donna le coup d’envoi au moment où Tatave enflammait son joint.

Au premier contact, Thierry Henry se retrouva propulsé au sol par un tacle par derrière, les deux pieds décollés du sol.

Ça vaut un carton rouge !

Mais Monsieur Stark, qui avait du être arbitre de catch dans une autre vie, n’avait rien vu et sifflait un simple coup franc.

Tatave fut prit d’une violente quinte de toux.

Le problème avec ce shit, c’est qu’il brule la gorge et qu’il fait tousser.

Pourtant Tatave avait fait attention de ne pas trop charger le pétard, mais c’était trop tard, en toussant, la fumée lui remontait dans la tête et il avait des milliers d’étincelles devant les yeux.

Le mieux, c’est de boire un coup et il vida son verre d’un trait ce qui le fit roter.

Dehors des passants s’engueulaient.

Il alla à la fenêtre, pour apercevoir juste une grosse africaine avec son téléphone portable.

Il avait cessé de pleuvoir, mais le vent poussait de lourds nuages noirs.

La prochaine averse n’allait pas tarder.

Sur le terrain, le jeu était de plus en plus haché.

L’arbitre était dépassé et le public commençait à siffler.

En plus Guardiola faisait sortir Messi.

Le match perdait de l’intérêt.

Tatave commençait à sentir une petite faim.

C’était souvent comme ça quand il avait fumé.

Sur le meuble de la cuisine, il prit un paquet de chips à l’ancienne puis il se ravisa.

Il s’agissait d’un paquet familial et une fois ouvert, il faut le terminer, sinon les chips ramollissent et deviennent immangeables.

En plus, il avait plutôt envie de sucré.

Le paquet de Prince au chocolat ferait l’affaire.

Tatave se rassit devant la télé et se mit à grignoter mais le biscuit était trop sec et il n’allait pas tarder à avoir soif.

Et il venait d’écluser la dernière bière.

Pourquoi pas un petit thé ?

Il restait dix minutes à jouer et le match était maintenant complètement enlisé.

Alors Tatave montra qu’il était homme à prendre des décisions.

Il se leva, coupa le son de la télé, posa le dernier CD d’Agnès Jaoui sur la platine, et il partit en excursion dans l’armoire à vaisselle, à la recherche de la théière…

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